Ce week-end, une déclaration de l’ancienne ministre Maggie De Block au sujet de la communication des experts durant cette crise du coronavirus a fait grand bruit. Selon Mme De Block, la population en a ras le bol de cette communication. À cet égard, elle visait particulièrement le désaveu public de décisions prises et le caractère souvent contradictoire et pléthorique des informations diffusées par les experts.

Ce faisant, elle aborde un sujet délicat. En effet, au cours des derniers mois, les escarmouches n’ont pas manqué entre politiques et experts. La semaine dernière encore, Marc Van Ranst refusait son indemnité de crainte de devoir « marcher au pas ».

Les experts qui ne travaillent pas pour le gouvernement sont bien sûr libres d’exprimer leur opinion. Le message se brouille toutefois lorsque ces mêmes experts conseillent les autorités. Et refusent ensuite souvent leur soutien à des décisions politiques. De plus, les experts ne sont pas toujours d’accord entre eux, ce qui ne fait qu’augmenter la confusion parmi la population. En fin de compte, comment la population peut-elle savoir si telle ou telle décision est judicieuse ? Plus important encore, cela ne sape-t-il pas l’indispensable confiance dans les mesures de lutte contre le coronavirus ?

La confiance est cruciale, le flou artistique fatal

Pendant une crise, la communication doit être la plus rationnelle possible. Autrement dit, il faut une communication harmonieuse. Une communication claire et transparente suscite la confiance et contribue à une meilleure réputation. C’est l’inverse qui prévaut naturellement si la communication part dans tous les sens : la confiance accordée aux communicateurs (experts, politiques, décideurs) s’effrite à chaque discussion ou conflit.

La coordination de la communication est donc essentielle. Qui assume quel rôle ? Qui communique à quel sujet ? Et comment et à quel moment est-il préférable de faire passer les messages ? Les experts et les politiques ont chacun leur rôle. Cependant, pour le grand public, le flou artistique règne parce que les experts prennent très souvent la parole au sujet de décisions politiques, et inversement. Il importe donc de délimiter les rôles beaucoup plus clairement. Les politiques parlent des décisions politiques, les experts de leur point de vue en tant que virologues. Est-il intéressant de demander l’avis d’experts sur des décisions politiques ? Absolument, mais il serait bon que les experts expliquent également qu’une décision politique ne peut jamais reposer uniquement sur l’avis des virologues. Les politiques doivent aussi prendre en compte d’autres considérations (économiques, par exemple). Dès lors, il n’y a rien d’anormal à ce qu’une décision diverge de temps en temps.

La population voit souvent les experts comme une source « neutre » qui parle d’une seule voix sur la base de son expertise. Cependant, les experts ne sont pas toujours d’accord sur tout. Et cela se sent aussi dans leur communication. D’après l’un, la troisième vague a bel et bien commencé, alors que l’autre reste confiant sur la possibilité de la maîtriser. Pendant une pandémie et en temps de crise, ce genre d’information non coordonnée pose problème. En effet, cela érode une fois encore la confiance accordée par la population. Par conséquent, une meilleure coordination entre experts au sujet des messages à faire passer serait certainement profitable.

La communication (de crise) est un métier

La pandémie actuelle est une crise sans précédent. De la même manière que pendant cette crise, le gouvernement s’appuie sur des experts pour contenir la pandémie, il serait également judicieux de faire appel à des experts en communication. En effet, la communication (de crise) est un métier. La cellule Communication du Centre de crise national fait du bon travail, mais je pense qu’elle devrait être encore plus impliquée dans la communication.

Dans le document « Un guide en communication de crise » rédigé par le Centre de crise avant le coronavirus, l’importance d’une information cohérente est notamment évoquée. Malheureusement, elle fait trop souvent défaut durant la crise du coronavirus.

Je voudrais plaider ici pour que des experts de la communication participent à la gestion de la crise. Impliquez-les dès la première étape de la prise de décision et demandez-leur de contribuer à la réflexion sur la manière de diffuser certains messages, sur l’attribution des rôles et des responsabilités aux divers acteurs, sur la façon dont la communication doit se dérouler, sur la personne chargée de chaque volet de la communication, etc. Cela permettra de rationaliser davantage les différents aspects de la communication, qui gagnera en force. Même les messages difficiles seront ainsi mieux acceptés.